La Madeleine de Tardets

Pyrénées Atlantiques

 Résumé:

Présentation: Cette montagne haute de 795m se trouve sur la commune de Tardets (Pyrénées Atlantiques). Elle est assez connue des amateurs de deltaplane à cause de ses courants d'air ascendants. Avec sa petite chapelle au sommet, elle offre un beau panorama avec sa table d'orientation.

Histoire: Ce belvédère a été utilisé tout au long des siècles par les païens, les romains, les chrétiens. Une chapelle édifiée au XVème siècle y succède à un temple romain dédié à Vénus. Autrefois ceux qui se croyaient envoûtés ou possédés se rendaient en pélerinage à Ste Madeleine d'Aranhe.

Je remercie Alain Letrange pour les précieuses informations qu'il m'a transmises sur ce site.


HAUTEUR DE LA MADELEINE.

Au sommet de cette colline, un panorama spectaculaire sur la Soule, le pic du Midi d'Ossau et le pic de Bigorre vaut absolument le détour. C'est aussi un lieu privilégié pour les amateurs d'aéromodélisme.

CHAPELLE DE LA MADELEINE.

Elle est bâtie sur un ancien lieu de culte primitif. Une inscription votive, rédigée en latin, en l'honneur d'une divinité euskarienne est encastrée dans un mur de la chapelle. L'édifice est dédié à sainte Madeleine, qui, d'après la légende, se réfugia en ce lieu au XIVème siècle. Des pèlerins s'y retrouvent deux fois par an : le dimanche précédant le dimanche des Rameaux et le 22 juillet, fête de sainte Madeleine. (Biblio: “Pays Basque”. Guides Gallimard)


.. Aranhe et Herauscorritse en Soule

Sainte Marie-Madeleine a élu domicile sur les hauteurs de Tardets, en Soule, où de très nombreux fidèles viennent lui rendre visite à deux reprises dans l'année. Le deuxième dimanche avant Pâques (dit de la Passion) et surtout le jour de la fête de la sainte (22 juillet), les Souletins grimpent en effet en pèlerinage à « La Madeleine» où, à l'issue de la messe, ils rendent hommage à la relique que le curé apporte de Tardets.

Les premières mentions de ce lieu de culte datent du XV siècle ; on cite alors « Sainte - Marie - Madeleine d'Aranhe», selon le nom du quartier d'habitation. La chapelle actuelle fut construite en 1894 et on avait prévu à l'époque de pouvoir y recevoir un millier de fidèles. Depuis, l'édifice a subi plusieurs aménagements et restaurations, notamment en 1961. L'origine de ce site religieux est païenne comme l'attestent la proximité de mégalithes et l'existence d'un autel pré-chrétien dédié à une divinité dénommée « Herauscorritsehe". Ce nom a fait couler beaucoup d'encre chez les archéologues et les érudits locaux qui se sont penchés sur son étymologiesans véritable explication satisfaisante. Certains d'entre eux ont proposé des tentatives de traduction à partir de l'euskara, comme le « sanctuaire de la Poussière Rouge", le « dieu de la Foudre Rouge» et même le "temple des Dames druidesses du pays d'Auch" ! Les seuls éléments déchiffrables sur cette stèle font mention d'un certain Valerius qui aurait érigé un autel, à la suite d'un voeu à cette divinitéd'autant plus mystérieuse qu'elle n'apparaît nulle part ailleurs dans l'épigraphie antique pyrénéenne.

Seule probabilité : Herauscorritsehe aurait été une divinité souletine pré-chrétienne de type jupitérien, maîtresse des cieux et invoquée en tant que telle, à l'image de la plupart des personnages du panthéon pyrénéen.

La présence très forte du pastoralisme et de l'élevage dans cette province basque explique le maintien de la traditionnelle invocation à Madeleine contre les orages, la grêle et les intempéries mettant en danger les cultures et les troupeaux.

Ce recours à sainte Marie-Madeleine en protection contre les orages et la foudre s'apparente, en fait, aux cultes identiques rendus aux trois compagnons légendaires de Marie-Madeleine : Saint-Antoine de Musculdy, Sainte-Barbe de Menditte ou Saint-Grégoire de Lambarre. Autant de hauts lieux, au sens propre et figuré, susceptibles d'attirer la foudre et où l'on peut conjurer les périls du ciel.

Mais la dédicace de ce sanctuaire à sainte Madeleine doit sans doute avantage, nous le verrons, à la présence de voies jacobites qu'au pouvoir supposé de cette sainte contre le feu du ciel. La plupart des chapelles ou des ermitages situés sur des hauteurs, en Euskadi, furent le cadre de telles invocations, à côté d'autres rites de protection. Ainsi, jusqu'aux années 1960, à l'ermitage Sainte - Madeleine d'Ezkio-Itxaso (Gipuzkoa), le 22 juillet, les éleveurs payaient au curé une messe pour que leurs troupeaux soient épargnés par la gale. C'était la cérémonie de la gorni meza ( messe de la gale).

De plus, le curé de la paroisse montait à cette chapelle pour réciter le rituel de conjuration des orages lorsque ceux-ci menaçaient la commune. Aujourd'hui, le jour de la Sainte-Madeleine n'y est plus marqué que par des fêtes laïques et sportives.

En fait, la seule tradition qui pourrait se rapporter à la vie de cette sainte « érotique", pécheresse et repentie, est la présence à la chapelle de La Madeleine de Tardets des filles en âge de se marier et à la recherche d'un conjoint. C'est toutefois un aspect du pèlerinage qui a aujourd'hui complétement disparu et les jeunes filles présentes n'avouent plus cette motivation'. Dans le même ordre d'idée, l'image de courtisane qui accompagne Marie-Madeleine a également incité les femmes à caresser le visage de sa statue, le jour du pèlerinage, pour obtenir en grâces jolie figure et teint frais ! jusqu'à une date non déterminée, les pèlerins fichaient une épingle dans le manteau qui recouvrait autrefois la statue de Marie- Madeleine, afin de rappeler au bon souvenir de la sainte les différents voeux qu'onlui confiait. Une pratique identique se déroulait d'ailleurs auprès de Sainte-Barbe de Menditte. Et puis, des malades ont été menés à la chapelle de La Madeleine, le 22 juillet, pour implorer une guérison ou un soulagement. Paul Perret raconte dans son livre Les Pyrénées Françaises (Paris, 1882) qu'il rencontra près de Tardets une femme possédée par le Diable. Elle était enserrée dans une sorte de camisole et on l'avait ainsi montée en charrette pour implorer sa guérison... Dernière trace de tous ces rites : l'abbé Aguer, curé de Tardets jusqu'en 1970, avait l'habitude d'imposer les mains sur les fidèles tout en récitant une litanie à sainte Marie-Madeleine, et cela autant de fois que la personne faisait passer dans ses mains des petits cierges correspondant à des voeux précis.

Autre tradition populaire inspirée par le repentir de Marie- Madeleine : la vénération des femmes envers les fossés situés à l'extrémité du chemin d'accès au sanctuaire. On prétendait en effet que la pécheresse les avait creusés de ses mains en rampant jusqu'au sommet de la colline pour expier ses fautes ! Le curé desservant le sanctuaire fit placer, en 1895, une croix sur le plateau à cet emplacement pour justifier d'une manière plus orthodoxe la présence des femmes qui venaient s'agenouiller à cet endroit. Il s'agissait exactement de l'aboutissement de quatre chemins de croix gravissant la colline. En fait, le site fut bouleversé à plusieurs reprises et notamment en 1961 lorsque la chapelle fut reconstruite après une tempête, sous l'impulsion de l'abbé Aguer et grâce à la générosité des Souletins.

 

Une météo... magdalénienne

La vieille formule selon laquelle « il faut mener les fous à Marie-Madeleine et ceux qui ont mal à la tête à sainte Barbe » fait allusion à d'anciennes pratiques dont il ne reste aucune trace aux deux sanctuaires de Tardets et de Menditte. En revanche, plusieurs dictons se rattachent à des prévisions liées à la météo: “Beau temps à la Madeleine, belle saison de châtaignes”.

 Bien que Marie-Madeleine soit titulaire de plusieurs paroisses, peu d'entre elles célèbrent la fête du 22 juillet autrement que par de simples festivités laïques.

À Valcarlos, une romeria emmène la population à l'ermitage de La Madeleine d'Orisson qui domine ce gros village enclavé sur le territoire de la Basse-Navarre. Cela se passe le 25 avril ...

Dans le quartier Amotz de Saint-Pée-sur-Nivelle (Labourd), la chapelle Sainte-Marie-Madeleine accueille des cérémonies religieuses à plusieurs reprises dans l'année. Une très ancienne dévotion subsiste à Amotz : on y vient pour faire passer un eczéma ou une maladie de la peau. Des mères de famille viennent aussi invoquer sainte Marie-Madeleine contre le hara, le « muguet ».. Cette tradition dépassait autrefois de très loin les limites de la commune.

L'oratoire de La Madeleine à Bidart (Labourd) a oublié la Pécheresse : on y pratique simplement une bénédiction des Rameaux et une procession jusqu'à l'église paroissiale, le dimanche précédent Pâques. En revanche, la ville gipuzkoanne de Renteria honore Marie-Madeleine comme sainte patronne et les Magdalenak des 21 et 22 juillet forment un ensemble important de festivités à la fois religieuses et laïques. On promène notamment le buste de sainte Madeleine à travers les rues de la ville et, durant ces deux jours, des fidèles viennent frotter un linge à la statue pour lui attribuer un pouvoir guérisseur.

Il faut noter que ces différents lieux ont tous un point commun : ils se trouvaient sur l'une ou l'autre des voies du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

 

Malena sur le Chemin

Le culte de sainte Marie-Madeleine prit son essor à partir du XI siècle, c'est-à-dire au moment où le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle se développait à grande échelle. Il se trouve que l'abbé Eudes, le dirigeant du monastère de Vézelay (Yonne) au XI siècle, se procura des reliques de Marie-Madeleine conservées à Aix-en-Provence. La vogue dans l'Église, à cette époque, allait en effet aux saints « gaulois » par opposition aux martyrs romains et la légende qui fit débarquer de Palestine Marie-Madeleine, sa soeur Marthe et Lazare remonte à cette même période. Il est aussi probable que le fameux passage de Madeleine en Soule, avec sainte Barbe, et les saints Grégoire et Antoine date de ce moment-là. De plus, les moines de Conques décidèrent eux aussi, toujours au XI siècle, d'introduire dans leur monastère un culte à sainte Marie-Madeleine, en plus de celui de sainte Foy. Vézelay et Conques étant deux des passages obligés des jacquets en route vers Compostelle, le culte de Marie-Madeleine descendit naturellement vers le sud avec les pèlerins... Et cela d'autant plus facilement que la Pécheresse fut proposée, dans le culte des saints, commemodèle aux pécheurs et aux pénitents.

Dès lors, se multiplièrent les sanctuaires et chapelles dédiés à Malena, comme la nomment familièrement les Basques. Au point que l'on peut suivre l'ancien passage des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle surplusieurs voies à travers l'Euskadi, avec ces ermitages, oratoires ou chapelles dédiés à Marie-Madeleine. Sur la route du littoral on croise en effet Bidart, Hondarrabia, Renteria, Astigarraga, Azpeitia, Eibar, etc., vers la Biskaia et la Gallice. Sur les routes de l'intérieur, nous trouvons l'ancien hôpital de La Madeleine d'Utziat à Larceveau puis la chapelle de Tardets, celle de La Madeleine de Betbeder à Saint-Jean-le-Vieux et, après le port de Larrau, l'ancienne hôtellerie de Sainte-Marie-Madeleine d'Ezcaroz dans la vallée du Salazar (Navarre) ou encore les deux chapelles au nom de la sainte, à Otsanz (Ustaritz) et Amotz (Saint-Pée-sur-Nivelle). Et au bout du grand Chemin, les pèlerins pouvaient remercier la Repentie de sa protection devant l'autel qui lui est consacré dans la basilique de Compostelle, à côté de ceux de saint Jacques et du saint Sauveur...

(Bibliog: “Saints, sources et sanctuaires du Pays Basque”, Aubéron)


En Soule, on ne connaît aucune cité romaine. ...Il reste fort peu de vestiges de cette époque. On peut citer l’inscription romaine encastrée dans le mur de la chapelle de la Madeleine:

FANO

HERAUS

CORRITSE

HE.SACRUM

C.VAL.VALE

RIANUS

(Fano Herauscorritse Hoc Erigit Sacrum Caius Valerius Valerianus: Caius Valerius Valerianus érige cet autel sacré au temple d’Herauscorritse) Qui était Caius VV ? Sans doute un riche propriétaire d’un domaine en Soule qui préfère, pour se garantir de l’orage, implorer le dieu basque Herauscorritse plutôt que Jupiter...

(Bibliog: “Histoire de la Soule”, Ekaïna Hitzak)