Le 24
octobre 1904, Madeleine Delbrêl voit le jour
à Mussidan, en Dordogne, fille unique d'un
père cheminot et d'une mère issue
d'une famille bourgeoise. Elle fait à 12 ans
sa première communion, fervente mais sans
lendemain. Car si elle rencontre dans son enfance
des prêtres qui savent éveiller en
elle une foi simple et profonde, elle est aussi
soumise à d'autres influences, en
particulier un ami de la famille, le docteur
Armaingaud, "disciple de Littré ,
athée convaincu". Après une enfance
itinérante due aux affectations
professionnelles de son père, à 16
ans, elle arrive à Paris où elle
fréquente les milieux intellectuels et
athées. En 1923, alors qu'on la
considère comme fiancée au jeune
bordelais Jean Maydieu, celui-ci s'éloigne
brusquement d'elle pour rentrer chez les
dominicains. Cette séparation marque
profondément Madeleine qui tombe malade et
ne se mariera jamais après. C'est aussi
à cette période que son père
Jules Delbrêl perd progressivement la vue,
puis se mure dans une solitude farouche. Peu
après elle rencontre une bande de jeunes
pleins d'entrain, des étudiants
chrétiens, qui "parlaient de tout mais aussi
de Dieu qui paraissait leur être
indispensable comme l'air". Elle en vient alors
à s'interroger sur Dieu. Elle se convertit
le 29 mars 1924, cherche sa voie et rencontre un
peu plus tard un prêtre de sa paroisse Saint
Dominique d'Evry, l'abbé Lorenzo, qui
devient son guide spirituel et l'amène
à s'engager dans le scoutisme.
En
1930, dans la ligne de son engagement, elle songe
à un projet de vie commune tournée
vers les plus pauvres. Elle rassemble alors un
groupe d'une douzaine de jeunes femmes pour
réfléchir ensemble sur
l'écriture sainte. Plusieurs se sentent
appelées à mener une vie
contemplative hors d'un couvent et elle s'installe
en 1933 avec deux amies, Hélène et
Suzanne, dans la ville ouvrière
d'Ivry-sur-Seine. Parallèllement , elle
commence des études d'assistance sociale et
s'engage dans un groupe religieux nouveau, la "
Charité de Jésus ", tourné
vers vie évangélique et le service
des paroisses. Elle obtient son diplôme en
1936 et travaille un temps comme assistante sociale
paroissiale à Saint Jean-Baptiste d'Ivry. En
1939, elle est embauchée comme assistante
sociale à la mairie d'Ivry. C'est une ville
"rouge" dirigée par un maire communiste et
athée, Georges Marrane, qui sera pour elle
à la fois un adversaire et un ami. Elle fera
ici toute sa carrière au service des plus
pauvres.
Mais l'incompréhension entre
le monde des prêtres ouvriers et les
chrétiens plus traditionnels la touche et la
pousse à entreprendre en 1952 un voyage
d'une journée pour prier à Saint
Pierre de Rome, 24 heures de train dans chaque
sens. Elle effectue aussi plusieurs voyages,
notamment en Pologne et en Afrique.
En
1955, elle a la douleur de perdre ses parents,
Jules et Lucile Delbrêl,
séparés depuis longue date. C'est
aussi cette année que disparaît Jean
Maydieu son ancien fiancé.
Malgré de nombreux petits
accidents de santé, elle continuera
jusqu'à sa mort, survenue subitement le 13
octobre 1964, à partager son temps entre
correspondance, conférences, vie militante
à Ivry ou elle habite dans la rue Raspail,
participation aux grandes causes, animation de son
équipe de vie.
La
personnalité de Madeleine Delbrêl
apparaît pleine de contradictions. D'abord
fantaisiste, capable d'invention et d'humour, elle
pouvait être réaliste, sensible au
présent et soucieuse du moindre
détail. Elle était à la fois
artiste, imaginative et poète tout en
étant apte à réaliser une
analyse précise et fouillée du
réel. Par moments vulnérable à
toute souffrance humaine, elle pouvait aussi faire
preuve d'une force incroyable dans les
épreuves. Son dynamisme sans faille, son
engagement dans des actions précises, avec
une grande opiniâtreté et une
volonté d'aller jusqu'au bout, pouvaient
faire place à un abandon paisible quand elle
ne pouvait aller plus loin. Elle pouvait observer
des moments de doute d'obscurité et de peur
et à d'autres moments faire preuve d'une
capacité de rebondissement prodigieuse. La
vie en équipe lui était indispensable
autant pour partager cette grande capacité
à aimer que pour bénéficier
dans les moments difficiles de la présence
de l'autre. Dernière contradiction enfin,
Madeleine, pourtant très douée sur le
plan humain et spirituel, a vécu une vie
obscure dans sa ville d'Ivry sans œuvre visible.
Toutes ces facettes de sa personnalité
amènent Francette Rodary à la
comparer à l'oued
méditerranéen avec ses crues
généreuses et ses longs mois de
sécheresse. Mais le simple filet d'eau qui y
coule, cette vie obscure, cache et
révèle de profondes nappes
phréatiques qui anime toujours aujourd'hui,
quarante ans après sa disparition, les
équipes qui poursuivent son œuvre.
Photos
d'Archives des Equipes Madeleine Delbrêl. Je
les remercie.
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Les trois premières
compagnes
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La rue Raspail à
Ivry
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L'abbé
Lorenzo
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Madeleine Delbrêl et
un enfant
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Madeleine Delbrêl et
des jeunes
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Madeleine Delbrêl et
son père
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Madeleine Delbrêl
à la fin de sa vie
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La maison où a
vécu Madeleine Delbrêl, au
11, rue Raspail
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Les
"Equipes Madeleine
Delbrêl" et l'association des Amis de Madeleine
Delbrêl (qui compte 500
membres) ont pris l'initiative de proposer
"Une année Madeleine
Delbrêl" en prévision
du centenaire de sa naissance et du
quarantième anniversaire de sa mort. Elle se
déroulera du 24 octobre 2003 au 24 octobre
2004. Sont programmés pour mars 2004 une
publication du 1er tome de ses
"Oeuvres" et un recueil
d'études (voir bibliographie),
la présentation d'un spectacle
grand public, montage de micro-évènements par les
"Amis de Madeleine
Delbrêl".
Pour accéder au site de
l'année de Madeleine Delbrel, cliquer
ici
Programme:
-
Vendredi 24 octobre 2003: Lancement de
l'année Madeleine Delbrêl.
-
Mercredi 5 novembre 20h30, crypte
Saint-Dominique, conférence de Gilles
François sur les années de
jeunesse de Madeleine.
-
Dimanche 23 novembre 2003, 9h à
17h30: Madeleine Delbrêl, une
sainteté pour notre temps, recollection,
Fils de Charité, à
Issy les Moulineaux
-
15 et 16 janvier 2004: Spectacle à partir des
méditations poétiques de Madeleine,
Médiathèque
d'ivry
-
16 mars 2004: Colloque et exposition
, Espace Georges
Bernanos, Paris 9ième
-
Octobre 2004: Clôture de l'Année
Madeleine Delbrêl, diverses
célébrations à Mussidan,
Créteil et Ivry, Spire, Milan
etc.
-
12, 13 et 14 novembre 2004: Colloque à
Fribourg-en-Brisgau
(Allemangne)
- Association des Amis de Madeleine
Delbrêl
Créée en 1966,
l'Association des Amis de Madeleine Delbrêl a
pour objet d'aider à faire connaître
et à diffuser la penseée et les
oeuvres de Madeleine Delbrêl. Elle provoque,
aide et encourage toute manifestation dans ce sens.
C'est elle qui est à l'origine de
l'Année Madeleine Delbrêl en
préparation du centenaire de sa naissance.
L'assiciation compte aujourd'hui 500 membres en
France et à l'étranger. Elle a son
siège dans la Maison de Madeleine au 11, rue
Raspail à, 94200 Ivry-sur-Seine.
Président: Gilles François.
- Les équipes Madeleine
Delbrêl:
Petites
équipes de quelques personnes, laïques,
célibatairs, vivant en communauté,
par leur travail et mettant tout en commun.
accueillantes à tous et attentives ausxplus
démunis. Ces petites équipes
reproduisent la première communauté
de "La Charité de Jésus",
créée par Madeleine delbrêl et
ses deux amies. Aujourd'hui, ces équipes
sont imlantées en monde rural, en banlieue
parisienne, dans le bassin lorrain, en Côte
d'Ivoire, en Algérie, à Paris.
Coordonnées: Equipes
Madeleine Delbrêl, 11, Rue Raspail à
Ivry.
- Jean debruynne
raconte...
Texte paru
dans le numéro de novembre 1997 du magazine
PANORAMA. Je remercie les responsables de cette
revue, en particulier Maryanne Chauvet, pour
l'autorisation qui m'a été
accordée de publier ces lignes.
- Conférence de Monseigneur
Claude Dagens sur la vie de Madeleine
Delbrêl.
A l'occasion
de la restauration du Centre Paroissial Madeleine
Delbrêl à Soyaux, dans la banlieue
d'Angoulème, en décembre de
l'année 2000, Monseigneur Claude Dagens a
fait une conférence sur la vie de Madeleine
Delbrêl, "soulignant les lignes de forces de
sa spiritualité missionnaire". Le texte qui
suit m'a été communiqué par
Laetitia Thomas, journaliste, rédactrice
départementale du Courrier Français,
édition Charente. Je la remercie pour sa
gentillesse et l'aide qu'elle m'a apportée.
-
Ville marxiste, Terre de
mission, 220p, Cerf 1957,
Réédition: Desclée de Brouwer,
1995
Seul ouvrage
publié avant la mort de Madeleine
Delbrêl
-
Nous autres, gens des rues, textes
missionnaires, 336p, Seuil,
1966
-
Nous autres, gens des rues, textes
missionnaires, Seuil, 1995,
introduction de Jacques Loew,
collection "Livre de vie"
-
La joie de croire,
272p, Seuil, 1968
-
La joie de croire,
Seuil, 1995, préface de Jean
Guéguen, avant-propos de Guy Lafon,
collection "Livre de vie"
-
Communautés selon
l'Evangile, 102p, Seuil
,1973
-
Alcide. Guide simple pour simple
chrétien, 126p, Seuil,
1980-1995, collection "Livre de vie"
-
Indivisible amour,
140p, Centurion, 1991
-
Missionnaires sans bateau, les
racines de la mission: Lettres aux Pères
Perrot et Augros, 119p, Parole et
Silence, 2000
- Le silence dans la
ville
-
Madeleine Delbrêl, Rues des
villes, chemins de Dieu, 1904-1964, Christine
de de Boismarin, 208p,
Nouvelle Cité, 1985,
nouvelle édition à
paraître en mars 2004
Par une
compagne de tous les jours, la biographie
fondamentale, avec de nombreux textes
inédits.
- Vivre l'Evangile avec
Madeleine Delbrêl, Jacques
Loew, 132p, Centurion ,
1994
Textes
évangéliques, groupés par
thèmes, que l'auteur fait relire par
Madeleine.
- Petite vie de Madeleine
Delbrêl, Jean Guéguen,
140p, DDB, 1995
Par celui
qui a beaucoup connu et aidé Madeleine et
l'a introduite à Rome.
- Prier 15 jours avec
Madeleine Delbrêl, Bernard
Pitaud,128p,
Nouvelle Cité,
1998
C'est un profonde vie
intérieure qui a toujours animé
l'expérience ecclésiale et sociale de
Madeleine Delbrêl dans la banlieue
ouvrière de Paris. L'auteur,
supérieur du Séminaire des Carmes,
nous fait pénétrer dans cette
prière au cœur du monde.
- Madeleine connue et inconnue,
Livre du Centenaire par
G.François, B.Pitaud et A.Spyckel,
Nouvelle cité ,
à paraître en mars
2004
- Eblouie par Dieu ,
1er tome des Oeuvres
complètes (correspondance , vol 1), textes
présentés par G. François, C.
Moncontié et B. Pitaud, Nouvelle
Cité, à
paraître en mars 2004
- Madeleine Delbrêl, Une vie
sans frontières, Charles F.Mann,
Editions Desclée de Brouwer,
collection "DDB/témoins", 320 pages, 2002
Cette
nouvelle biographie, préfacée par le
cardinal Etchegaray et tracée par un
prêtre américain, s'attache à
l'étude, naissance et mûrissement de
la personnalité riche de Madeleine
Delbrêl. Par contre elle élude un peu
les questions qui devaient naître de la
rencontre des chrétiens et des incroyants.
Un livre dont l'écriture soutient d'un bout
à l'autre l'intérêt du
lecteur.
- Notre foi
devrait faire de nous les plus contemporains de
tous les hommes
- Nous ne pouvons pas donner
la foi, mais nous pouvons nous donner ; la foi a
mis Dieu en nous, nous pouvons le donner en
même temps que nous
-
Mon Dieu, si vous êtes partout, comment se
fait-il que je sois si souvent ailleurs ?
-
Prier, ce n'est pas être intelligent, c'est
être là.
-
Pour trouver Dieu, il faut savoir qu'il est
partout; si tu vas au fond de toi, tu trouves Dieu
lui-même.
-
Les distractions deviennent "prières" quand
on pense à elles avec Dieu. Lutter contre
elles, c'est parfois se distraire davantage.
-
Le Saint-Esprit monte et descend. Ne bloque pas
l'ascenseur.
-
Pense que tu as raison, ne le crois pas.
-
Apprends l'art de la guerre sur toi; sur les autres
l'art de la paix.
-
Si ta voix est un clairon, ton frère
haïra la musique.
-
Dieu ne nous demande pas de l'aimer à notre
manière, mais à la sienne.
-
Rentre tes angles: tu te cogneras moins.
-
Fais avec tous ce qui fait du bien à tous,
plutôt que de faire mieux ce qui ne ferait du
bien qu'à toi.
-
Quelle joie de savoir que nous pourrons vers ton
visage lever les yeux, ô mon Dieu! Pendant
que la soupe épaissira. Pendant que, devant
l'arrêt, nous attendrons l'autobus qui ne
vient pas. Pendant que nous monterons l'escalier.
Pendant que nous irons chercher, au bout de
l'allée du jardin, quelques brins de
cerfeuil, pour finir la salade.
-
N'allez pas au travail comme à une
corvée, alors que vous pouvez et devez en
faire une prière.
-
La vie commune est faite de petits pardons et donc
de petits oublis.
-
Nous autres gens de la rue, croyons de toutes nos
forces , que ce monde où Dieu nous a mis est
pour nous le lieu de notre sainteté
-
Il n'y a pas de solitude sans silence
-
Le silence, c'est quelque fois se taire, c'est
toujours écouter.
-
Une absence de bruit qui serait vide de notre
attention à la parole de Dieu ne serait pas
silence.
Une
journée pleine de bruit , et pleine de voix
peut être une journée de silence si le
bruit devient pour nous un écho de la
présence de Dieu, si les voix sont pour nous
messages et sollicitation de Dieu
-
le silence est charité et
vérité
- A
nous gens de la rue, il semble que la solitude
n'est pas l'absence du monde mais la
présence de Dieu. C'est de le rencontrer
partout qui fait notre solitude.
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